Généralités à propos de la technique pianistique.

 

     La technique est un sujet qui fait rage chez les pianistes! Il existe un nombre très important d’ouvrages qui traitent ce sujet. Je ne vais pas entrer dans les détails ici car j’y reviendrais plus tard et plus en détail dans d’autres articles.

     Dans cette première approche, précisons déjà que beaucoup de musiciens se méprennent sur ce que recouvre vraiment la technique au piano. Elle est loin de se résumer à jouer toutes les notes du clavier sprintant aussi vite qu’Usain Bolt court le 100 mètres ! Non, malgré une idée largement répandue, la technique n’est pas intrinsèquement liée à ce qu’on considère être la « virtuosité ». Mieux vaut la définir comme « l’art de jouer du piano exactement comme on le veut » (et non comme on le peut).
De cette remarque découle donc la nécessité de prendre conscience d’un ensemble de facteurs musicaux liés à la technique :

–          la vélocité (la rapidité ou l’aisance) ;
–          le timbre (le touché et donc la couleur qu’on veut donner à l’instrument) ;
–          les nuances (l’intensité donnée aux notes) ;
–          la précision (la régularité ou l’absence volontaire de régularité maitrisée dans le
rythme) ;
–          la maitrise générale de la géographie du clavier (mettre ses doigts où il faut !) ;
–          tout ce qui touchera à l’interprétation d’une partition.

     On se rend donc compte que la technique ne se limite pas aux simples gammes, accords, arpèges et à leurs dérivés. Après quelques années de pratique, on remarque d’ailleurs que les formules pianistiques courantes ne sont pas si nombreuses et qu’elles reviennent très fréquemment. En revanche, l’application de ces formules est infinie et c’est là qu’il est question de technique. Il faut donc considérer la technique comme une grammaire destinée à être utilisée dans un contexte musical donné : ce que vous jouez, et rien d’autre. Le simple fait de lier deux simples notes peut s’avérer redoutablement difficiles quand on a une idée très précise du rendu sonore voulu.

     Depuis l’invention du clavier, bien des maitres se sont penchés sur la question. Au fil du temps, des avancés technologiques de l’instrument, de l’évolution de l’écriture musicale, des diverses recherches physiologiques et pédagogiques : l’interprétation de la technique ainsi que la façon de concevoir son acquisition se sont considérablement modifiées.
On ne peut certainement pas aborder la technique comme le préconisait Couperin dans son art de toucher le clavecin en 1716, de la même façon que dans les fameuses études de Chopin publiées dans les années 1830, ou même encore aujourd’hui que les études pour piano de Ligeti composées entre 1985 et 2001…
Entre ces œuvres, il y a un monde tant sur l’aspect musical que sur la façon de les approcher au clavier. On ne peut donc pas traiter la technique de façon unilatérale. On ne joue pas Bach comme on joue Mozart, Beethoven, Chopin, Debussy, Rachmaninov, ou encore Prokofiev, Boulez, Dutilleux (sans parler du jazz, du rock, ou autres courants musicaux)…

     Ces quelques généralités sur la technique pianistique, auront pour but de bousculer quelques idées reçues. La technique ne peut se penser que comme un moyen d’expression. Elle ne présente aucun intérêt en elle-même, hormis l’objectif de tout interprète : faire de la musique de la meilleure des manières. Ainsi est-il fondamental avant d’aborder plus tard les divers moyens de l’acquérir de ne jamais réduire la technique à une quelconque virtuosité.

 

Bach, le père de la musique.

    Comment entamer ce blog ? Je me suis longtemps posé la question… Puis après quelques jours de réflexion, comme une évidence, un refrain chez les pianistes et plus généralement les musiciens : « Passe ton Bach d’abord» !

    Bach est le père de la musique, le grand Furtwängler disait de lui à la fin de sa vie : « Aujourd’hui comme autrefois, Bach est le saint qui trône, inaccessible, au dessus des nuages. Bach fut le plus grand des musiciens, l’Homère de la musique, dont la lumière resplendit au ciel de l’Europe musicale et, qu’en un sens, nous n’avons toujours pas dépassé ».

    Ce compositeur de génie, c’est une œuvre colossale, peut être n’y a-t-il aucun autre compositeur ayant autant écrit. Beaucoup de musique sacrée, avec environ deux cents cantates, des pièces pour orchestre, violon, violoncelle, clavecin, orgue… Tout ce que son époque pouvait offrir comme opportunité d’écriture y est passé! Sa production musicale regorge de chef d’œuvres dans tous les domaines. Sa maitrise du contrepoint, de la basse continue, du rythme et de la forme musicale font de Bach une référence pour tous les compositeurs. Mozart et Beethoven s’en sont inspirés. Chopin jouait quotidiennement le clavier bien tempéré, véritable pierre angulaire du piano. Liszt a transcrit une quantité importante des œuvres du maitre pour le piano moderne

    Il est d’ailleurs un paradoxe tout à fait surprenant pour nous pianistes, Bach n’a jamais écrit pour le piano. Pour cause, le piano n’existait pas à son époque. Même si à la fin de sa vie il aperçu les premiers piano-fortes de Bartolomeo Cristofori vers 1730, il ne prédit à cet instrument que peu d’avenir…

    Venons en donc au fait pianistique : comment jouer Bach au piano dès lors que son œuvre n’est pas destinée à être jouée sur l’instrument ? Les puristes (les fameux baroqueux qui ne jouent la musique baroque que sur instrument d’époque) disent que la musique de Bach ne se joue simplement pas sur piano. D’autres, plus modérés, se contenteront de vous interdire l’usage de la pédale; à l’inverse certains musiciens vous moderniseront à l’infinie ses œuvres (citons entre autres par exemple l’excellent Jacques Loussier).
Une partition sans indication métronomique, nuances, ou phrasés est forcement sujette à interprétation et controverses. Le grand Glenn Gould qui a quasiment dédié sa vie au maitre reprendra par exemple son enregistrement de jeunesse des variations Goldberg quasiment trente ans plus tard considérant avoir atteint une maturité musicale et devoir rétablir une certaine vérité musicale.

    Sur un plan technique et musical la musique de Bach offre aux pianistes un apport riche à l’infini. Le travail des voix, le touché, la recherche d’une cohérence dans les phrases, les plans sonores, les timbres sont autant de paramètres que les œuvres de Bach permettent de travailler pour le reste du répertoire. Citons en premier lieu le clavier bien tempéré qui devrait constituer pour tout pianiste la base d’une étude musicale. Comme une nourriture de l’esprit et des doigts intarissables qui ne devrait jamais cessé d’être jouée. Le pianiste aura ensuite le loisir de piocher dans ce répertoire si riche : les toccatas, les partitas, les suites, les inventions, les concertos, l’art de la fugue, les variations Goldberg, et même la multitude de transcriptions d’œuvres par Liszt, Brahms, Busoni…

    Certains pianistes buteront sur un aspect pouvant paraitre parfois trop rigoureux et ne comprendront pas immédiatement tout le lyrisme et la modernité de la musique de Bach. Bach est un musicien spirituel, jamais trop intellectuel. Il faut se laisser porter par l’écoute et un trésor viendra se cacher derrière ses notes.

    Je vous laisse avec les fameuses variations Goldberg de Glen Gould qui valent bien mieux que tous les mots !